mardi 8 décembre 2009

Pourquoi l'amour au cinéma serait-il toujours niais ou tragique?

Oui c'est vrai ça, pourquoi? Soit ça dégouline de guimauve indigeste, soit ça se termine dans des effusions de sang. Une passion trop sucrée, ou trop amère. Heureusement, il y a The bridges of Madison County. LE film sur l'amour, sans exagération, ni subjectivité aucune, évidemment. Et c'est un film de Clint Eastwood. Oui, oui le Dirty Harry, le Blondin, tout ça.



Alors que se passe-t-il quand le grand Clint fait un film sur l’amour ? Bah pas grand-chose en fait. Mais c'est justement son génie.


Une jolie mère de famille, Francesca, la quarantaine (Meryl Streep), se retrouve seule chez elle le temps de quelques jours, mari et enfants étant partis vendre veaux, vaches, et cochons. Le temps s’écoule lentement en cet été 1965 dans l’état de l’Iowa, les prairies s’étendent à perte de vue, la ville ronronne au rythme des ventilateurs. Arrive alors Robert Kincaid (Clint Eastwood), journaliste au National Geographic, venu prendre quelques clichés des ponts de Madison County.


Évidemment, ils vont tomber amoureux. Mais là n’est pas la question.


Ce n’est pas un coup de foudre. Enfin, pas réellement. C’est plutôt deux mondes qui se croisent, deux univers qui n’auraient pas dû entre en collision. Elle trouve son mari « propre », est heureuse mais ne veut pas trop se poser la question. Elle est loin d’être idiote, elle a simplement accepté ce que sa vie lui a offert. Lui voyage, solitaire, perdu dans le monde entier, sans foyer où se (re)poser.


Leur histoire d’amour se déroulera d’ailleurs quasiment uniquement dans la cuisine. La cuisine comme lieu de vie par excellence, pour parler, manger, fumer, se tourner autour. Ils se découvrent lentement. Toujours distants, ils partagent des petits riens. Un peu usés tout les deux mais encore assez vivants pour se prendre à espérer.


Pour faire durer la nuit un peu plus, pour se redécouvrir nue dans un miroir, rougir dans une nouvelle robe, et sortir sentir le vent sur son corps.


Assez pour dire "oui" sans que cela n’ai de conséquences immédiates. Quelques photos prises sur le pont, une nuit qui s’éternise, un dernier verre de cognac.


Et pas question de se jeter dessus sous le coup d’une subite prise de conscience, non. Laisser une main remettre le col d’une chemise, effleurer une épaule, et laisser l’intimité envahir l’espace sur la pointe des pieds.


Il n’est pas question ici de culpabilité, de remords, de "je t’aime moi non plus", mais de deux êtres qui se trouvent par hasard. Si leurs destins avaient été différents, peut-être auraient-ils passé leur vie ensemble, mais c’est peu probable. Leur relation ne repose pas sur les mots qu’ils partagent, mais sur leurs silences, leurs doutes, leurs regards. Aucun point commun entre eux, pas la même culture, pas la même origine sociale, pas le même passé, mais qu’importe.


Leur amour ne nait pas dans ce qui les oppose, ni dans l’interdit, il nait de ce moment unique et parfait, le moment idéal mais inéluctablement voué à finir. Il naît du désir de voir ce que la vie aurait pu être. Et dans cet espace-temps coupé du monde, tout devient possible. Elle n’est plus seulement mère et épouse, il n’est plus seulement un photographe un peu snob.


C’est une évidence. Comme si tomber amoureux supposait de ne pas de se poser de questions existentielles, de ne pas se juger ou de céder à la peur, et à l’inverse, à la tentation, mais simplement de se laisser vivre, de suivre le courant, sans rien attendre d’autre.


Au début du film, Robert dit à Francesca :"Les vieux rêves étaient de bons rêves. Ils n’ont rien donnés mais je suis content de les avoir eus."

Il aurait pu ajouter que les vieux rêves sont aussi ceux que l’on garde le plus précieusement.



Sur la route de Madison - The bridges of Madison County
Etats-Unis /1995 / 2h15.
Réalisé par Clint Eastwood, avec Clint Eastwood, Meryl Streep.

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