samedi 24 mai 2008

Pourquoi les lesbiennes sont-elles plus intéressantes que les femmes au foyer ?


Ahh La France ! Son camembert, son vin et ses critiques de cinéma ! En espérant que cette entrée en matière soit assez chauviniste.

Oui, parlons-en des critiques de cinéma. Enfin, de cinéma… et de séries télés car c’est les mêmes, y a pas de spécialisation encore à ce niveau là. Depuis quelques années, LA série est devenue tellement in, que pour les critiques, qui haïssent en général encore plus la télé que les blockbusters de l’été, il a bien fallu se décider à en parler. Et quoi de mieux pour en parler sans rien y connaître que de décréter que tout se vaut, que tout ce qui est estampillé HBO, ABC ou Showtime est forcément génial ?

Car si le critique a le malheur d’écrire qu’il n’aime pas une série, il devient complètement has-been et il peut dire adieu à son mug Prison Break. Le voilà donc à reprendre à toutes les sauces les termes de "décapant", "critique acide de la société américaine", "irrévérencieux", etc. Limite s’il n’a pas un petit autocollant sur son mac tout neuf, "In american TV we trust", genre, la production télévisée américaine est un modèle d’indépendance et de création artistique, haha.

Qu’on soit d’accord. Je n’ai rien contre les séries télé, bien au contraire. Mais il faudrait quand même avoir assez de recul pour différencier un truc créé en sortant des schémas habituels d’un produit sorti pour faire exploser l’audience. Non pas qu’on ne puisse pas prendre autant de plaisir à regarder l’un et l’autre, mais c’est fondamentalement différent.

Ce qui m’amène donc au sujet avec deux séries que je suis actuellement. A ma droite, Desperate Housewives et à ma gauche, The L word. Pour que l’exercice soit à peu près pertinent, je vais comparer différents points présents dans les deux séries. Mais pour commencer, une petite présentation des personnages.

Bon donc d’un côté, dans la banlieue tranquille de Fairview, nous avons Susan, mère au foyer insupportablement maladroite, pas dégourdie, naïve mais gentille, on l’aime bien au village quoi. Puis Bree Van de Kamp, devenu Bree Hodge, femme au foyer exemplaire, maniaque et respectueuse des conventions sociales de manière quasi psychotique.
Lynette ensuite, simple, droite, un exemple de sincérité, occupée avec son mari et ses 4/5 gamins. Et enfin, Gabrielle Solis, ancien mannequin, manipulatrice, vénale et superficielle.
Bien entendu, je grossis les traits, elles ont aussi leurs failles et leurs contradictions, mais ce sont les grandes lignes de leur caractère qui n’évolueront pas, ou peu.

De l’autre côté, nous avons un groupe de copines lesbiennes à Los Angeles.
Bette, directrice du musée d’art contemporain de la ville, intelligente, working girl, mais particulièrement dominatrice. Elle a une petite fille avec Tina, avec qui elle vit depuis quelques années. Tina est quant à elle beaucoup plus difficile à déterminer car son personnage est en constante évolution. Elle commence comme femme soumise qui prendra au fur et à mesure des épisodes son indépendance.
Shane ensuite. L’androgyne sexy, qui doit bien avoir selon la carte d’Alice - j’expliquerai après - un millier de conquêtes à son actif. Elle vient d’un milieu social assez pauvre, d’une famille déchirée, et son éducation détermine pour beaucoup les rapports humains qu’elle met en place. Fidèle en amitié, c’est sur que ces amies peuvent toujours se reposer.
Puis vient Alice, bisexuelle selon ces termes, lesbienne dans les faits. Journaliste people, romantique et drôle mais pas niaise, elle a fait de la reconnaissance des lesbiennes dans la société son cheval de bataille, notamment par l’intermédiaire de son émission, disponible en podcast s’il vous plait, Alice in Lesboland.
Dana, quant à elle, est une tenniswoman qui a du mal à accepter son homosexualité. Elle ne la nie pas mais refuse pendant longtemps de l’assumer en public, écrasée par la pression sociale.
Et enfin, Jenny, un peu le fil rouge de la série. Arrivée 100% hétéro, avec son fiancé et un mariage de prévu, elle découvre son homosexualité.

  • La sexualité


Bon forcément dans The L Word, la sexualité est un peu au cœur de la série, difficile d’y échapper. On y trouve entre autres lesbiennes, des hétéros, des gays, des bi, ou bien encore des transexuel(lle)s et des travesti(e)s. Soit un panel exhaustif des différentes formes de sexualités, auquel s’ajoute le schéma des rapports sentimentaux, à savoir, le couple exclusif - fidèle - ou pas, les rapports purement physiques, les rapports platoniques, etc.

La sexualité n’est pas forcément une chose acquise de manière définitive, ni montrée comme prédéterminée. C’est une certitude pour certaines, un choix pour d’autres, une découverte encore pour beaucoup. Même si dans la série elles passent la moitié du temps à baiser, de manière assez crue parfois, ça ne tombe jamais pour autant dans le voyeurisme ou la vulgarité. La sexualité est avant tout un moyen de construire sa personnalité, son rapport à soi et aux autres. D’ailleurs les rapports sont tous inscrits sur The chart, une map virtuelle qu’Alice a créé, et montre les interactions entre toutes ces femmes.

Bref, enfin une série qui remet une des questions cruciale des rapports humains dont la sexualité est une part nécessaire mais pas suffisante, au centre de son sujet.

Dans Desperate Housewives, c’est simple : on est hétéro ou on n’est pas. On est même hétéro, monogame, et membre d’une famille. C’est imposé comme une norme, et n’importe qui y déroge, devient paria.

La pauvre Eddie Britt par exemple, oui la blonde "méchante", elle a le malheur de pas être mariée, de collectionner les hommes, et particulièrement les ex de ses soi-disant copines. Elle aura beau faire tous les efforts qu’elle veut, elle ne sera jamais une "desperate housewives" (grand bien lui fasse, cela dit), elle n'aura jamais ses entrées aux parties de poker des pouff’, elle ne fera jamais de cookies avec Bree, de shopping avec Gabrielle, bref, sa sexualité la fout à part.

Quand aux homos dans la série, j’ai envie de dire lol. Le premier à apparaître en tant que tel dans la série est le fils de Bree. La rousse psychorigide, je le rappelle, membre de la National Rifle Association par la même occasion. Quand elle le découvre gay, elle le condamne à l’enfer éternel et l’abandonne au bord d’une route. CQFD.
Y a bien un couple gay qui débarque dans la dernière saison. Et là, on retombe dans les clichés. Efféminés, artistes, précieux, bref, des homos vu par des hétéros, et pas sous un angle très progressiste.

Finalement à l’inverse de The L Word, où la sexualité est un élément qui permet de se construire, dans Desperate, c’est un élément qui détermine sa position sociale et son degré de normalité. Conservatisme, quand tu nous tiens.

  • La mort


Dans Desperate, mourir, c'est cool. On meurt pour le bien de la communauté, sans larmes ni douleur.

Un méchant vilain n’a absolument aucune chance de rédemption. On le tue à bout portant, on le renverse en voiture, ou on le regarde crever dans une chambre d'hôtel glauque, mais vu qu’on est couvert par ses supers copines, on n’est jamais inquiété.
Même plus besoin de peine de mort, on se fait justice soi-même, bien plus efficace, et tout ça est présenté de manière complètement morale et normale.

Par contre, les gentils eux, ils ne meurent pas. Forcément, eux, la rédemption ils y ont droit. Lynette et son cancer par exemple. Ok, elle s’en sort avec sa détermination. Mais c’est quoi le premier truc qu’elle trouve à faire après sa guérison ? Bah oui, trouver une église pour remercier Dieu ( ne sait qui) .

Ou alors l’ouragan de la dernière saison. Un truc qui, quant il s’appelle Katrina fait des milliers de morts. Eh bien non, dans la banlieue de Fairview, tout s’écroule, tout est détruit, mais y a que le méchant maire qui y passe et une vieille dont tout le monde se tape. La mort n’existe pas, ce qui existe, c’est le jugement divin.

Dans The L Word, vous vous en doutez, la mort c’est pas pareil. Si vous n’avez pas vu la série, je vous conseille de passer ce point, je vais vous gâcher le plaisir.

Déjà, la religion, pour ces lesbiennes, c’est pas trop leur truc. Poursuivies par des intégristes cathos, elles ont arrêtée de croire que leur âme pouvait être sauvée. Mais du coup, les gentils, ils meurent. Forcément.

La pauvre Dana Fairbanks - une des héroïnes principale - la tenniswoman accomplie, heureuse, elle le chope aussi son cancer du sein, et malgré toute sa détermination et son envie de vivre, elle y passe. Parce que la vie, enfin la mort, c’est comme ça, et puis c’est tout.

Quand le père adoré de Bette tombe malade, puis finit par mourir, il n’est pas sur son lit d’hôpital à s'endormir tranquillement. Non, il souffre moralement d’être devenu un légume, physiquement aussi, bouffé par les regrets d’une vie un peu ratée. Et pour les vivants qui restent, c’est encore pire. Bette s’accroche à son père, et décide de consacrer son temps s’occuper de lui avant sa mort. Mais aussi courageuse soit-elle, elle va vite revenir de ces illusions quant elle va devoir s’en occuper comme d’un enfant. Elle va osciller l’amour qu'elle lui porte, mais aussi le dégout et le rejet qu'il lui inspire. Ouais, la mort ça craint, c'est injuste et c’est douloureux. 

  • La vision de la femme

Bon déjà, c’est clair. D’un côté, on a des femmes qui mènent une vie paisible en banlieue tandis que les autres suivent un destin agité dans la folie de la ville de L.A. On pourrait se dire que ce qui caractérise leurs différences c’est leur sexualité, et bien évidemment, c’est pas faux, mais c'est réducteur.

Car Desperate Housewives, au-delà de présenter des femmes hétérosexuelles, présente aussi des femmes blanches, ferventes croyantes, épouses et/ou mères aimantes. Elles représentent le modèle même de la féminité déterminée par une vision masculine des choses. Je m’explique avant de me faire catégoriser "chienne de garde" :) .

Ces femmes sont garantes d’une certaine sécurité, elles sont montrées comme des piliers inébranlables de la famille, et par extension, de la société. Elles ont un rôle à tenir qui consiste en premier lieu à rester chez elles. Pas question de travailler, c’est l’homme qui ramène l’argent, et c’est tout.

Y a que Lynette qui fait une incursion vite fait dans le monde du travail, où elle excelle d’ailleurs, mais finalement, elle y renoncera pour suivre le rêve de son mari qui est d’ouvrir une pizzeria. Hop, ok, tu peux travailler, mais tu retournes derrière les fourneaux, et plus vite que ça.

Aucunement question d’indépendance ici, elles sont soumise financièrement à l’homme et ceci implique un certain nombre de conséquences. Car bien entendu, elles se doivent d’être reconnaissantes, donc à elles de s’occuper de l’éducation des gamins et des tâches ménagères.
Heureusement, elles s’autorisent quand même quelques petits plaisirs… qui se limitent à se retrouver dans les foyers des unes et des autres, à faire des petits gâteaux, à jouer au poker, et bien sûr, à colporter des ragots.
Car, c’est bien connu, la femme ne se cultive pas, elle ne lit pas autre chose que des magasines de mode, elle n’est pas amie avec le sexe opposé, mais par contre, elle parle pour dire de la merde.

Et au final, leur amitié indéfectible, au lieu de les sauver de leur ennui, les conforte dans leurs rôles, chacune se renvoyant l’image de ce qu’elles doivent être aux yeux de la société. Car si elles sont amies, ça n’empêche aucunement qu’elles se jugent sans cesse et sont en compétition pour atteindre une sorte de perfection.

Tout ça nous amène au statu quo. Malgré les diverses péripéties qu’elles traversent, sentimentales ou autres, l’ordre est toujours rétabli. Susan peut se séparer de Mike un nombre incalculable de fois, ça deviendra, envers et contre tout, le père de son fils. Gabrielle trompera Carlos, il ira en prison, elle se remariera, et au final quoi ? Ils se retrouvent, et vivent à nouveau ensemble dans la même maison. Le changement c’est le danger. Garder les apparences, et les rôles déterminés des hommes et des femmes, la sécurité. Le choix est donc vite fait.

Mais nous revoilà donc avec notre groupe de lesbiennes plus ou moins déjantées. Bon déjà, pas d’hommes dans leurs vies du point de vue des rapports sentimentaux. Obligatoirement, ça émancipe d’une certaine manière leur façon d’être en tant que femmes. Mais c’est pas aussi simple.

Prenons Bette et Tina. Elle forme un couple depuis des années, et comme cela peut arriver dans n’importe quel autre couple hétéro ou homo, elles sont entrés dans un rapport dominant/dominé. Bette travaille, Tina est à la maison, elle est donc financièrement dépendante de Bette. Sauf que là, c’est source de conflit, et ce n’est pas vécu comme "normal".
Tina va sacrément en baver à ne plus savoir qu’il elle est, à force de vivre dans l’ombre de Bette, et c’est seulement après une lente reconstruction de ce qu’elle est, de son indépendance et de sa personnalité, qu’elles pourront finalement se retrouver. Ici, pas de statu quo, car même si l’amour perdure entre les deux, il n’est viable que si les deux femmes sont deux êtres indépendants et égaux.

Donc l'autonomie est un état fondamental au bonheur. Il ne s’agit plus seulement de s’épanouir par "l’amour" ou le couple, mais aussi par la création artistique, le travail, l’argent, l’amitié ou encore le questionnement de soi. Là où Desperate Housewives donne des réponses sur ce qu’être une femme épanouie doit vouloir dire, The L Word pose des questions. 
Viennent ensuite les questions du choix et du déterminisme. Dans quelle mesure choisit-on ce qui nous rend heureux, comment faire ces choix en pleine connaissance de nos moyens, et comment notre éducation, notre statut social, notre expérience tout simplement, influent-ils sur ces choix ?

Shane est le parfait exemple de ce questionnement. Incapable de maintenir une relation sentimentale stable, d’un tempérament plutôt autodestructeur, elle se demandera toujours si cela est lié à ce qu’elle est ou si c’est une barrière qu’elle se met, sous l’influence d’une enfance désastreuse et d’un père qu’elle a peu connu, avec lequel elle entretient un rapport de fascination et de rejet.

Mais ici, même si le changement, l’évolution, la recherche de soi est primordial, il est également synonyme de douleur, de rupture, et de renoncement. Ces changements ne sont jamais brutaux dans la série, ils interviennent sans que l’on s’en rende vraiment compte. S’accepter tel que l’on est, homme ou femme, demande un effort sur soi qui va à l’inverse de ce que la société bien pensante américaine peut tolérer.
Le cas se posera de manière claire pour Tasha, petite amie d’Alice, noire, homosexuelle et au service de l’armée, ayant combattu en Irak. Sa lutte pour allier sa carrière et sa vie personnelle aboutira finalement à l’échec, puisque un choix devra s’opérer.

Terminons sur l’amitié. Comme dans Desperate, les filles ici sont des copines unies. Mais contrairement aux autres, pas question de de conforter dans ce qu’elles sont.
Elles s’engueulent, se disent leurs vérités, se bourrent la gueule ensemble, se font confiance, et surtout, ne se jugent pas. En dépit des conflits qu'elles peuvent avoir, elles entretiennent une relation d’amitié saine, qui au lieu de les immobiliser, les fait avancer.

La représentation de la femme ici, au-delà de sa sexualité, a l’intérêt de monter la complexité de sa place dans une société patriarcale qui souhaite l’enfermer dans certains schémas. Elle ne sont surtout pas victimes, ni même se réclamant égales de l’homme, elles cherchent simplement à exister en tant qu’être humain à part entière, et même si le fait d'être femme et/ou homosexuelle est une composante de leurs personnalités, elles ne veulent pas en être réduites à cela.

Bon j’aurais encore pas mal d’exemples sur le sujet, mais là ça commence déjà à faire longuet, j’y reviendrai surement par la suite. En tout cas, s’il y a une chose à retenir de ce pavé c’est : " Matez The L Word bordel ! "


Desperate Housewives
Etats-Unis /Créée en 2004 par Marc Cherry.
5 saisons / en production/ ABC.

The L Word
Etats-Unis /Créée en 2004 par Ilene Chaiken.
5 saisons / en production/ ShowTime.

lundi 19 mai 2008

Pourquoi 28 semaines plus tard rend les zombies plus humains que les humains?

('tention spoilers inside)

Le film débute sur une séquence mémorable, pourtant très classique dans la forme. Les personnages sont enfermés
dans une maison paumée au milieu de la campagne, les zombies arrivent et défoncent tout. Pour n’importe qui ayant vu des films de zombies c’est pas très novateur. En revanche, ce qui l’est beaucoup plus c’est la réaction du personnage principal, Don (Robert Carlyle). Il aime sa femme, il a une famille sympa, mais pas question de risquer sa peau pour les sauver. Instinct de conservation, quand tu nous tiens…


Avec un postulat de départ comme celui-là, le film nous met tout de suite dans une position de malaise. On peut s’identifier au «héros» ou à l’inverse, le rejeter, mais on se pose forcément la question de ce qu’on aurait fait à sa place. Bon ok, je vous accorde que les probabilités de se voir poursuivi par une horde de zombies affamés est assez faible, mais imaginez la même chose en temps de guerre avec les ennemis armés qui débarquent chez vous, vous aurez une idée de ce que Don a dû ressentir.

D’ailleurs, ce choix de sauver sa peau ou celle des autres, se retrouve tout au long de 28 semaines plus tard, qui s’intéresse surtout au rapport entre l’individualisme et collectivité.

Visuellement d’abord, les personnages sont souvent isolés dans le cadre de la caméra. La famille est réunie, mais complètement morcelée : d’un coté du cadre, les enfants, de l’autre, le père. Les G.I américains font eux-mêmes soit disant partie de la grande famille qu’est l’armée. Malgré cela, ils sont toujours seuls - chaque sniper a sa zone - et séparés les uns des autres. Ce sentiment est bien sur renforcé par le fait qu’on est sur une île, coupé du monde, et qu’à l’intérieur même de cette île, une zone est délimitée sans que l’on puisse en sortir. 


Seules les technologies de communication créé du lien - Flynn le pilote (Harold Perrineau) et Doyle le sniper (Jeremy Renner) passent leur temps à discuter par téléphone interposé mais ne se reverront jamais en fin de compte - mais ne les sauveront pas pour autant. Même chose pour les caméras de surveillance. On voit régulièrement dans le film des images tirées de ces caméras, mais sans savoir qui regarde. Big brother is watching you, pour votre bien, n’empêche que vous vous ferez buter quand même.

Arrive ensuite la rupture. Andy (Mackintosh Muggleton), le fils retrouvé, veut lutter contre cet individualisme et l’aseptisation des rapports dont il est victime. Il retrouve sa mère, espère refonder sa famille comme avant, mais c’est ce qui les conduira tous à leur perte. Don se fait contaminer à son tour par amour - par un baiser et non une morsure - et n’aura qu’une envie, retrouver son fils afin de le contaminer.


S’en suit une contamination générale et la panique habituelle. Mais ce qui choque le plus dans ce film, n’est pas vraiment les meurtres commis par les zombies, mais l’acharnement de l’armée avec sa volonté de détruire à tout prix humains ou zombies, peu importe. Ici encore, il y a très peu de contacts directs, tout se fait de loin. Les snipers tirent d’abord sur la foule, puis bombardement à distance dans les airs, et enfin un gaz est balancé sans que l’on puisse identifier la source pendant que l’état major suivra les massacres par écrans interposés.
Les uniques séquences où les êtres humains sont regroupés sont d’ailleurs toujours des séquences de contamination. La pseudo réunion d’individus - la classique réunion des survivants non contaminé - se soldera par un échec puisque les intérêt personnels reprennent le dessus sur la capacité à s’unir pour le bien être du groupe.

Enfin on en arrive à la séquence finale. On comprend alors que le seul but de Don était de retrouver ses enfants afin de les contaminer à son tour. On peut noter que le personnage de Don, une fois le virus chopé, change complètement de comportement, au-delà du fait qu’il change de tête aussi… Il passe d’un individualisme, poussé par l’instinct de survie, à une volonté d’unir sa famille par le virus, et donc l’instinct paternel reprend le dessus.

28 semaines plus tard nous interroge sur notre capacité à vivre ensemble, de manière «physique». Visiblement, les hommes en sont incapables puisque qu’ils n’arrivent qu’à se détruire, et se refusent à tout contact corporel qui est, de toute façon, dans le film, synonyme de mort imminente. Le virus, dont on ne se sait d’où il vient, permettrait donc de revenir à l’instinct, en faisant abstraction de l’intellect. Car seuls les zombies avancent en groupe, organisés et unis. D’où ma question de départ : les zombies ont-ils plus d’humanité plus que les humains? 

Peu importe finalement, puisque cette transformation physique, cette contamination ne résout rien. Comme indiqué au début, les zombies, en s’étendant à l’infini, finiront par se détruire eux-mêmes en crevant de faim.

Le réalisateur, Juan Carlos Fresnadillo, ne nous donne pas de solution prête à l’emploi, il dresse un constat assez pessimiste sur notre monde, et fais confiance à l’intelligence des spectateurs pour se faire sa propre idée.


28 semaines plus tard - 28 weeks later
Grande-Bretagne /2007 / 1h31
Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo, avec Robert Carlyle, Mackintosh Muggleton, Rose Byrne, Harold Perrineau, Jeremy Renner, etc.

dimanche 18 mai 2008

Oui Lulu, pourquoi?

- Pourquoi tu veux faire un blog ?

- Bah pour parler de cinéma

- Ah

- Quoi « ah » ?

- Y’en a déjà plein, ça sert un peu à rien

- …


Pourtant Lulu aime le cinéma, surtout quand il est chiant, le cinéma.
Lulu lit Les Cahiers du Cinéma, et les critiques incompréhensibles de Libération, les résumés sur Allociné, et les blogs de fan boys.
Alors pourquoi pas moi Lulu?

En discutant dernièrement autour de moi - avec d’autres personnes que Lulu - je me suis rendu compte que les spectateurs étaient divisés en plusieurs catégories. Enfin les spectateurs lecteurs de critiques. C'est partit pour un peu de sociologie de supermarché, mais j'aime bien.

La première catégorie est celle que je fréquente assidûment, et dont Lulu fait parti, de par mon réseau social qui s’est naturellement construit autour du cinéma. En général, c’est la catégorie de fan intello de films qui font partir en courant tous ceux qui ne font pas partie de cette catégorie dès qu’ils ouvrent la bouche.

Pour eux, la critique de cinéma, c’est un truc indispensable, indissociable du cinéma lui-même. Elle est là pour appuyer leurs théories, ou au contraire, elle peut devenir la cible, l’ennemi à abattre, parce qu’elle propose une vision différente. Généralement ça aboutit à des réflexions du genre : « Mais putain, il a pas vu le film ce connard, c’est pas possible ! »

Cette catégorie se caractérise par un point fondamental. Au delà du fait de regarder les films, chiants surtout, je le rappelle, ce qu’elle aime, c’est parler des films. Les disséquer, les analyser, les classifier, et surtout, surtout, expliquer pendant des heures leurs théories. Bref, avoir l’impression de garder le contrôle en permanence sur ce qu’elle regarde.

Ensuite, il y a la catégorie des consommateurs. God bless la carte UGC et le DL. Eux, en général, la critique, ils s’en foutent. Elle doit se résumer à faire un résumé, justement, du film, avec éventuellement un « C’est bien » / « C’est nul » et basta. Pas besoin de chercher pendant trois heures pourquoi le 2ème plan de la 8ème séquence est filmé avec un travelling latéral, non. Un film c’est un début, un milieu, une fin. Et en sortant de la salle, ou en éteignant le PC, ça s’oublie.

Enfin il y a la catégorie entre les deux. Le consommateur qui veut comprendre mais qui veut pas trop qu’on l’emmerde quand même. Selon mon expérience, environ 90% des spectateurs.

C’est dans ce cas là que nous, critiques de cinéma, on devient utiles. Enfin, qu’on devrait. Parce que dans les faits, c’est pas vraiment ça.

D’une part, parce qu’on peut écrire qu’une daube est relativement correcte simplement car l’attaché de presse - celui ou celle qui doit faire la promo du film - nous a envoyé des chocolats, et qu’il sympa, alors bon, on va pas trop enfoncer son « produit ».

D’autre part, parce qu’on peut dire que ouais ce film est naze, mais dans le fond, il est pas si mal, allez le voir, parce que le rédac en chef a pas très envie de froisser le réalisateur qu’il va interviewer demain.

Ou enfin parce qu’on peut écrire quelques lignes incompréhensibles par le commun des mortels car franchement, on en sait rien de ce qu’on a pensé du film, mais que le critique considère que le spectateur est plus con que lui, donc, c’est pas très grave.

Un petit exemple explicite :

« Ce film, d’une grande beauté plastique, utilise une temporalité quasi Deleuzienne donnant à l’espace tout son sens. »

On est d’accord, ça veut rien dire. Mais le critique, lui, il est content. Et son ego va mieux.

On notera aussi que le titre de mon blog fait référence à deux des termes les plus employés par la critique, quand elle ne sait pas quoi dire, allez savoir pourquoi, tapez donc sur Google si vous ne me croyez pas.

Mais je commence à m’égarer dans mes réflexions sur mon métier, et le rapport au spectalecteur que l’on peut, et même que l’on doit avoir. Parce que finalement une critique n’est pas tant là pour dire ce que nous, critique, on a pensé du film, mais de faire partager cet avis, ce ressentiment, cette analyse, en étant à la fois objectif dans ses arguments, et subjectif dans la manière de le dire. On est pas là pour vendre un film, ou le détruire. On est là, en humble spectateur ayant une possibilité de s’exprimer, pour partager un point de vue. Rien de plus.

Et vu qu’avec les raisons économiques évoquées au dessus il n’est pas possible de faire correctement son travail sur les supports, et dans les médias existants, voilà pourquoi un blog sur le cinéma, Lulu, est utile.


M'ci à Fidjik pour la mise en page du blog :)